«  -C’est la question que je vais vous poser, c’est la seule question que je vais vous poser pour cette petite table ronde avec vous. Loïc Geoffroy, directeur commercial d’Isonat et Christophe Beaussire directeur commercial Pavatex et aussi vice-président de l’ASIV. L’ASIV c’est quoi ?

– C’est l’association syndicale des industriels de l’isolation végétale qui regroupe les principaux fabricants d’isolants à base végétale que sont le chanvre, le lin, le coton, le textile recyclé, la ouate de cellulose et la fibre de bois.

-Alors là on va se contenter de la fibre de bois. Alors je vous laisse la parole, le bois c’est un isolant ?

Les propriétés de l’isolant bois

-Un très bon isolant, c’est vrai que le bois on le présente souvent dans le bois de construction, dans le bois de chauffage, bois énergie mais c’est aussi un excellent isolant thermique, phonique. Pourquoi ? Parce qu’il renferme au sein de sa qualité de l’air qui isole, ce n’est pas l’air qui entoure la fibre qui fait le pouvoir isolant, c’est surtout le capillaire creux qui est rempli d’air et qui donne ce pouvoir isolant. Alors quand on parle d’isolation on entend souvent l’isolation par rapport au froid l’hiver mais on a un produit issu de la matière végétale, le bois, qui permet aussi d’isoler parfaitement contre la surchauffe estivale, contre le bruit, qui est un très bon régulateur hygrothermique, c’est à dire qu’il est capable d’emmagasiner temporairement une certaine quantité de vapeur d’eau et de la restituer dans le milieu intérieur lorsque le climat intérieur est trop sec. Au niveau résistance dans le temps, moi je dirais que la plupart des fabricants qui sont présents au sein de l’ASIV par exemple, on des expériences de plus de 30, 40 voire 80 ans pour certains et aussi au niveau résistance au feu, le bois brûlent mais il a une vitesse de combustion qui permet de protéger le bâtiment par rapport à un incendie.

-Alors monsieur Geoffroy, par rapport aux autres isolants, aux isolants concurrents qu’on a quand même davantage l’habitude, qu’on connait mieux en tout cas dans le monde des journalistes de la construction par exemple, qu’est ce qui fait la différence entre une laine de verre, un panneau polystyrène, du polyuréthane et un panneau de fibres de bois isolants ?

-Alors comme l’a indiqué Christophe, on a la capacité à fabriquer des panneaux de différentes densités et ce qui va vraiment faire la différence entre un isolant bio-sourcé et un isolant traditionnel ça va être la durée de vie dans le temps. Isoler un bâtiment aujourd’hui avec une performance c’est bien, ce qu’on veut nous sur l’isolant en fibres de bois c’est qu’il soit durable dans le temps.

-Ça veut dire que quand vous parlez de durabilité c’est quoi ? C’est combien ? C’est 20, 30, 40 ans ?

-On est sur des durées de vie qui sont supérieures aux durées traditionnelles, on va sur des durées de vie de 30, 40 ans largement.

-Ça veut dire que le panneau reste dense, ne se dégrade pas avec le temps ?

-Tout à fait.

-Et qu’est ce qui fait cette qualité ? On le mélange à quelque chose pour que ça… parce qu’on a entendu il y a une dizaine d’années quand on voyait les premiers isolants bio-sourcés arriver sur Batimat par exemple, on parlait de liant qui n’était pas toujours, on va dire écologiquement correct, ça c’est des choses… Pour qu’un panneau tienne 40 ans est-ce qu’on met un liant avec ?

-Il y a une notion de base qui est la densité. Aujourd’hui nos isolant font au minimum 40 kg du mètre cube et on monte jusqu’à des isolants qui vont faire 180, 200 voire plus en termes de densité. Donc on est sur des panneaux qui sont mécaniquement très résistants, c’est ce qui permet de faire la durabilité des produits.

-Et dans un panneau fibre de bois, je n’ai que de la fibre de bois ?

-Alors tout dépend des fabricants. Aujourd’hui, une majorité de produits sont faits uniquement à base de fibres de bois. Certains fabricants mélangent de la fibre de bois avec d’autres types de produits pour augmenter la durabilité.

-Par exemple ?

-Du chanvre notamment.

-Du chanvre notamment. C’est à dire qu’on peut, aujourd’hui, mélanger la fibre de bois avec d’autres fibres pour avoir les qualités de l’un et de l’autre c’est ça ?

-Tout à fait.

– Alors pour quelles applications aujourd’hui… Ah si ! Il y a un produit dont on n’a pas parlé ! Parce que je sais que tous les deux vous êtes plutôt sur le panneau, mais peut-être que vous allez pouvoir parler de la laine de bois. Là on est sur un produit aussi qui a des qualités, quelles sont les qualités la laine de bois ?

-Alors il y a dans la terminologie on entend beaucoup de choses.

-Allez-y sur la terminologie, vous pouvez me reprendre hein ! Allez-y sur la terminologie.

-La laine de bois c’est souvent générique et on caractérise à laine de bois par des panneaux semi-rigides. Les panneaux de fibres de bois c’est plutôt des panneaux de structures type OSB médium. Mais quand on dit fibre de bois isolant, des panneaux de bois de type rigides-isolants, ce que disait Loïc, c’est des panneaux qui sont en densité supérieure à 100 kg, d’accord. Les 40, 50 kg on va dire sont réservés à la laine de bois qui se met entre structures, entre chevrons en toiture ou entre structures ossature bois pour la construction bois, ou entre ossatures métalliques pour les cloisons de distribution intérieure. Donc on va peut-être parler des applications à travers les différents produits.

L’isolant bois, et ses multiples applications

-On parle des applications, voilà. Isolation intérieure, extérieure, toiture, sol, qu’est-ce que je peux faire avec un isolant bois ?

-Vous pouvez faire tout du sol au plafond, je dirais, avec les produits isolants en fibres de bois. Pour l’isolant semi rigide c’est pouvoir isoler la toiture entre les chevrons, que ce soit des chevrons classiques ou des chevrons porteurs, entre 6 cm d’épaisseur voire 200, 220, et faire une sur-isolation extérieure. Parce que dans la gamme des produits qu’on propose on a des panneaux rigides qui sont aussi pare pluie, c’est à dire qu’ils ont la double fonction de compléments d’isolation par l’extérieur et de produits hydrofugés dans la masse qui fait que le produit fait pare pluie/coupe-vent.

-C’est à dire que si je mets un panneau en sarking, c’est comme ça qu’on appelle, et que je viens rajouter dessus un autre petit panneau… ou est-ce que le sarking fait lui-même le pare pluie ou est-ce que je dois rajouter encore un petit panneau ?

-Non, il fait les deux.

-Il fait les deux.

-Voilà, on a dans des gammes similaires des produits qui sont bi composants et qui font l’isolation et l’étanchéité.

-Voilà, et ça c’est obtenu par cette problématique de densité dont parlait monsieur Geoffroy tout à l’heure ?

-Ouais, en général les produits qui sont faces extérieures sont plus denses puisqu’on rajoute du latex en général ou de la paraffine qui permet de durcir le panneau et d’améliorer sa capacité de résistance à la reprise d’eau.

-Alors Monsieur Geoffroy, on parle beaucoup de d’isolation thermique par l’extérieur, le panneau de fibres de bois il est adapté à l’isolation thermique par l’extérieur ? Et si oui, en quelle épaisseur et pour quels types d’applications ? Je peux mettre un enduit par exemple dessus ?

-Alors ce panneau-là est pleinement adapté à l’isolation thermique par l’extérieur du fait de sa densité, du fait des formats des panneaux, ce sont des panneaux comme le soulignait Christophe, qui sont traités pour être mis en place à l’extérieur. Alors ou sous une vêture, type bardage ou sous un enduit.

-On peut faire ce qu’on veut ?

– On peut faire absolument ce qu’on veut sur ce type de panneaux.

-Et je n’ai pas besoin de pare pluie, si j’ai bien compris, si je mets un bardage ?

-Alors tout dépend le type de panneaux, mais sur certains panneaux effectivement, on peut se passer d’avoir un pare pluie.

-D’accord. Alors on parlait aussi tout à l’heure, là en préparant de panneaux de contreventement, est-ce que ces panneaux de contreventement sont aussi des isolants ?

-Non, ce sont des panneaux de structures qui vont jouer le rôle de voile travaillant au niveau de l’ossature bois, qui vont se mettre du côté intérieur pour faire à la fois le contreventement et en même temps la régulation de vapeur, donc on va dire pare vapeur. On s’est rendu compte par l’expérience des constructeurs bois, déjà outre-rhin, que ça soit le la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, que le fait de mettre le contreventement côté chaud ça réduisait les risques d’humidité qui stagne et qui se met dans l’isolant ou dans la structure. Donc en freinant la diffusion en amont, là où la vapeur émise par l’occupant.

-Là où arrive la vapeur par…

-La respiration.

-La respiration, la bouche,…

-La cuisine et tout, on laisse migrer cette vapeur à travers le mur sans risque de condensation dans la paroi, bien sûr en respectant des règles de résistance des diffusions.

– C’est un coefficient SD si mes souvenirs sont bons.

-C’est un coefficient SD, voilà. Donc il y a des règles qui sont données au sein d’une étude 31.2 qui est en cours de révision et qui va recalibrer un peu ces données. Mais d’une manière synthétique on peut dire qu’on doit être cinq fois plus freinant côté chaud que ce qu’on laisse passer côté froid, voilà.

-Alors, sur la certification des produits cette fois ci. Est-ce que, en France on aime bien les garanties, on aime bien les certifications, on aime bien aller voir la Serbie par exemple. Est-ce qu’aujourd’hui les produits panneaux bois, laine de bois sont certifiés et quel type de certifications vous avez ?

– Donc déjà il faut savoir que les panneaux isolants fibres de bois sont normalisés en Europe sous une norme EN13 171, donc là ce sont des produits qui répondent à des standards unifiés en Europe. Pour ce qui est du marché français spécifiquement, il y a une démarche volontaire de chaque industriel donc d’aller en acermi ou en avis technique, chose que nous chez Pavatex comme d’ailleurs chez Isonet on a fait en parlant au nom de l’ASIV, je peux dire que c’est ce qui a motivé le regroupement de ces industriels pour avancer d’un seul pas vers cette certification produit.

– D’accord, quelque chose sur ?

-Au-delà de la normalisation des produits, c’est une vraie visibilité pour nos produits face à aux produits concurrents. Aujourd’hui les isolants traditionnels et isolants connus du grand public passent par cette démarche-là, cette démarche a servi. Pour nous et, c’est vrai que ça a été le leitmotiv pour la création de l’ASIV, c’est d’avoir des isolants bois et bio sourcés en général qui soient certifiés.

-Voilà, c’est le principe.

– Oui.

Une production locale

-Alors autre chose pour terminer, parce que le temps passe vite déjà, vous êtes tous les deux des industriels et vous avez tous les deux investis dans un outil industriel. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que l’isolant bois c’est un produit qu’on produit localement, avec des bois locaux, comment ça se passe ? Alors racontez moi tous les deux votre histoire industrielle !

-Alors pour nous, nous fabriquions des panneaux de laine de bois donc des panneaux entre 40 et 55 kg du mètre cube et pour élargir la gamme et à la demande du marché nous souhaitions fabriquer des panneaux d’isolation thermique par l’extérieur donc en fibre de bois rigide. Baignant dans un bassin de fibres de bois, il nous paraissait important d’avoir une usine…

-Votre bassin c’est ?

-Massif Rhône-Alpin c’est plus proche de Roanne notamment dans le 42. Donc l’idée était de monter cette usine sur un axe routier facile d’accès dans un bassin qui nous permette d’avoir de la fibre de bois très proche pour avoir une possibilité de fabrication de ces panneaux avec le moins de coûts de transport possible.

-Par exemple on est à combien ?

-L’approvisionnement se fait 40 km autour de l’usine.

-Alors votre outil industriel c’est quoi ? C’est combien de personnes ? C’est combien de surface d’origine ?

-C’est aujourd’hui 5 mille mètres carrés d’entrepôt, 25 personnes qui travaillent en trois huit et avec une volonté d’avancer sur une quarantaine voire une soixantaine de salariés dans les deux ou trois ans qui viennent.

– Donc il y a de l’avenir pour l’isolant bois, vous y croyez en tout cas ?

-Il y a de l’avenir.

-De votre côté ?

– Nous c’est le massif des Vosges que nous avons retenu pour l’implantation de notre nouvelle usine côté d’Épinal à Golbey. Bon, le fait d’être historiquement Suisse, la proximité des Vosges était plutôt rassurante pour nous.

-Alors moi qui suis jurassien, vous aviez plus près excusez-moi !

– Oui, c’est vrai ! Je ne veux pas rentrer dans la polémique mais bon, il y a plusieurs possibilités à l’installation sur la France. En sachant que les Vosges c’est le troisième massif forestier français, il y a une ressource qui est intéressante parce qu’on utilise du résineux principalement sous forme de plaquettes issues de l’épicéa ou du sapin blanc et la région lorraine offrait cette ressource en quantité importante. Et le choix du site de Golbey intéressant à plusieurs titres, d’une part il est occupé par un des leaders du papier européen qui est Norske Skog et déjà l’expérience de la transformation et de l’utilisation de la filière bois vosgienne et lorraine. Et la synergie industrielle, c’était de pouvoir profiter de cette installation pour greffer notre société, notre industrie sur une société qui utilise déjà une ressource bois.

-Pareil, combien de personnes ? Combien de surfaces ?

-Alors c’est 50 emplois directs créés, un investissement de 60 millions d’euros, 250 emplois indirects dans le système des sous-traitances et des achats et puis 50 mille tonnes de produits finis par an, ce qui représente à peu près 400 mille mètres cubes annuels de production.

– Alors il y a une question je ne vous ai pas posé qui, en vous écoutant m’est venue à l’esprit. Hier, on a parlé des ressources bois, de savoir s’il y aurait de la ressource pour tout le monde. Question : est-ce qu’on coupe des arbres uniquement pour faire des isolants bois ou quel type de matière vous utilisez pour faire vos isolants ? Ce sera la dernière question.

-On utilise des plaquettes, c’est à dire des connexes de scierie, ce qui est issu des grumes, aux écorses. Il y a un conflit en ce moment enfin, quand je dis en ce moment c’est depuis plusieurs années sur la ressource, puisque vous avez le bois énergie qui a pris des parts importantes dans la ressource et puis autre en utilisant en fait une qualité de bois qui est plutôt réservée, voilà, à des produits comme les nôtres ou pour le bois panneaux que sont le OSB, panneaux de particules ou le boul médium. Donc il y a une tension sur le marché. Mais c’est européen, ce n’est pas spécifiquement français.

-C’est européen, il y a une petite tension sur le marché. Parce que vu le développement que vous avez envie de faire, enfin que vous êtes en train de faire, si on n’a pas de ressources ça veut dire qu’il va peut-être falloir aller la chercher plus loin ?

-Non ce n’est pas le but, c’est surtout organiser au sein de la filière la manière de travailler le bois parce que c’est vrai qu’on est sous label PEFC, ce sont des forêts gérées durablement.

-On reçoit demain d’ailleurs le président de l’association.

– Les prélèvements sont faits de manière raisonnée, il n’y a pas de surexploitation de la forêt. Dans le massif vosgien par exemple il y a 50% de bois en plus depuis les années 50 qu’avant-guerre. Donc vous voyez la croissance des massifs est réelle.

-…Est réelle. Une toute petite conclusion, vous avez 15 secondes.

-Je rebondirai sur ce que disait Christophe, il n’y a pas d’industrie du bois pour la fabrication des panneaux et aujourd’hui le massif forestier français est géré de façon durable depuis très peu de temps. Donc à nous industriels, aux gens du bois de se fédérer, de créer des associations qui permettent d’avoir un massif forestier qui soit géré durablement et sur du long terme.

– Merci. Merci messieurs pour cette… Bah vous voyez finalement, vous aviez peur qu’on est en un quart d’heure on ne parle que de ça, on a réussi !

– Le temps nous aura manqué.

-Merci. »

Retranscription libre de la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=UbhebO3q0wU